Technologie: États-Unis, le commerce en ligne pourra bientôt être taxé
Les États américains pourront désormais taxer les entreprises de e-commerce sur leurs ventes, quand bien même elles ne disposent plus de présence physique, selon une décision de la Cour suprême rendue jeudi. Une proposition de loi similaire a été votée par le Sénat en France la semaine dernière. Le but : rétablir davantage d'équité en faveur des commerçants ayant pignon sur rue et redynamiser les centres-villes.
Les entreprises de ventes en
ligne vont passer à la caisse. Après une procédure judiciaire de deux ans, la
Cour suprême des Etats-Unis a tranché jeudi : les États américains sont
désormais autorisés à collecter des taxes sur les ventes en ligne. Le but ? Réduire
l'avantage compétitif des sociétés de e-commerce par rapport aux commerçants
ayant pignon sur rue, supportant plus de charges. L'affaire était portée par le
Dakota du Sud, soutenu par quelque 35 autres États américains et le
gouvernement Trump. Elle visait Wayfair, une boutique de mobilier en ligne. En
2016, le Dakota du Sud avait adopté une loi imposant aux grands distributeurs
en ligne de collecter la TVA sur leurs ventes, quand bien même ils n'avaient
pas de présence physique dans son État. Une obligation dont les sociétés de
commerce en ligne avaient fait appel.
Cette décision vient
chambouler le paysage législatif américain, en vigueur depuis 1992 - à l'époque
où Amazon, le géant de l'e-commerce, n'existait pas encore. Cette décision
affirmait qu'une entreprise ne disposant par de présence physique dans un État
était dispensée de s'acquitter de la TVA sur ce territoire... Une notion
totalement dépassée à l'heure où les ventes en ligne explosent. Elles
s'élevaient à 4,45 milliards de dollars au dernier trimestre 1999, contre
123,67 milliards de dollars au premier trimestre 2018 aux États-Unis, selon les
chiffres du US Census Bureau.
Un manque à gagner pour les États
Les États américains font
valoir un manque à gagner énorme, qui se chiffre en dizaine de milliards. Le
Dakota du Sud estime pouvoir engranger à lui seul entre 48 à 58 millions de
dollars par an. Dans la loi adoptée en 2016, l'État américain excluait les
petits vendeurs. Les entreprises en ligne visées devaient réaliser au minimum
100.000 dollars de chiffre d'affaires ou au moins 200 transactions par an dans
l'Etat, souligne le Wall Street Journal.
A la Bourse de New York, les
actions des entreprises spécialisées dans la distribution en ligne ont fléchi à
la Bourse de New York. Le mastodonte Amazon perdait ainsi 0,91% vers 15H00 GMT
tandis que les plates-formes eBay et Etsy lâchaient respectivement 2,06% et
2,78%. Les grandes chaînes de distribution, qui elles disposent
d'établissements "en dur" dans tous les États, profitaient en
revanche de cette décision : Walmart s'appréciait de 0,96%, Target de 2,08% et
Best Buy de 1,24%.
Le cas Amazon
Le président américain
Donald Trump s'est réjouit de la décision sur Twitter : "Grande victoire
pour l'équité et pour notre pays. Grande victoire pour les consommateurs et les
commerçants." En mars, Donald Trump
a haussé le ton contre Amazon, l'accusant de ne payer "pas ou peu
d'impôts aux gouvernements locaux ou fédéral" et "traite notre système postal comme leur livreur (provoquant
d'énormes pertes aux États-Unis) en provoquant la fermeture de milliers de
commerces !
Dans la presse américaine,
les critiques font valoir une possible hausse des prix supportée par le client
final. Sans compter que des entreprises comme Amazon, pour ne citer qu'elle,
paye déjà des taxes sur les produits qu'elle vend en direct. L'enjeu est donc
de savoir si la taxe s'appliquera également aux vendeurs tiers qui utilisent
ces plateformes de ventes en ligne. En 2017, "plus de la moitié des
produits vendus sur Amazon provenaient de vendeurs tiers", selon Jeff
Bezos, fondateur et Pdg d'Amazon.
Une proposition de loi
similaire en France
En France aussi, une
taxation des entreprises de ventes en ligne pourrait voir le jour
prochainement. Vendredi dernier, le Sénat a adopté en première lecture la
proposition de loi Pacte national de revitalisation des centres-villes et
centres-bourg. L'article 27 propose d'instaurer une taxe entre 1 à 2% du prix
de chaque bien commandé sur Internet, en fonction de la distance parcourue
entre le dernier entrepôt et le lieu de livraison. Ainsi, pour une distance
inférieure à 50 km, la taxe sera de 1%. Pour une distance comprise entre 50 et
80 km, la taxe sera de 1,5%. Enfin, pour une distance supérieure à 80 km, elle
pourra atteindre les 2%. Un minimum forfaitaire de 1 euro par produit livré est
également prévu.
«
Les entreprises de commerce électronique, notamment les plus importantes
d'entre elles bénéficient de conditions fiscales iniques par rapport aux
entreprises de commerce physique. Disposant d'un nombre très réduit
d'implantations sur le territoire national, elles ne sont pas ou très peu, en
particulier, assujetties à toutes les taxes fondées sur une assiette foncière,
comme la taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe sur les surfaces commerciales
ou encore la cotisation foncière des entreprises », justifie
la proposition de loi.
Cette taxe vise uniquement
les entreprises réalisant plus de 50 millions d'euros, "de telles façons
que les PME commerciales et artisanales innovantes ne soient pas
touchées". Les livraisons réalisées par un moyen de transport non
consommateur d'énergie fossile seront également exonérées de cette taxe. La
proposition de loi doit encore être examinée par l'Assemblée nationale.
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